mercredi 29 juin 2022

Sujet de l'épreuve d'institutions administratives avec corrigé (juin 2022)

 

Sujet :  Après lecture attentive du texte en italique, répondez aux deux questions de réflexion posées en lien avec le texte.

  

Secrétariat général du gouvernement : Claire Landais, techno incognito

par Pierre Alonso, publié dans Libération, le 22 juillet 2020

 

Son visage ne dit rien à personne, et cela a ses avantages : Claire Landais, haute fonctionnaire qui vient d’être nommée secrétaire générale du gouvernement, allait jusqu’à présent au travail en métro et parfois à vélo, plus rarement avec la voiture mise à sa disposition par la République. Depuis mars 2018, elle occupait pourtant le poste sensible de secrétaire générale de la défense et de la sécurité nationale (SGDSN), dépendant également du Premier ministre. Une fonction de l’ombre, peu exposée et autrement moins vaste que ses nouvelles attributions comme numéro 3 de Matignon (après le chef du gouvernement et son directeur de ­cabinet).

Elle remplace Marc Guillaume, un des seuls membres de la haute administration à avoir survécu à l’alternance Hollande-Macron. A en croire plusieurs sources l’ayant côtoyée, Claire Landais sera son antithèse : une pure technicienne, pas politique ou partisane pour un sou. Déjà au SGDSN, son comportement tranchait avec celui de son prédécesseur Louis Gautier, qui s’exprimait volontiers dans les médias et ne dédaignait pas la lumière. Elle n’a jamais reçu de journalistes, limitant ses prises de parole publiques aux forums officiels et à quelques auditions parlementaires.

Diplômée d'une grande école de commerce puis de Sciences-Po Paris, Claire Landais était dans la même promotion que le secrétaire général de l'Elysée, Alexis Kohler, et la ministre déléguée à l'Industrie, Agnès Pannier-Runacher, à l'ENA. Elle choisit le Conseil d'Etat à la sortie en 2000, alors qu'elle n'avait pas fait de formation universitaire en droit. L'une de ses attributions sera la direction du centre de documentation, qui n'échoit qu'aux meilleurs juristes. C'est la recette Landais, disent ceux qui ont eu affaire à elle : elle s'impose même là où on ne l'attend pas. ­Illustration en 2012 : le gouvernement Ayrault la nomme directrice des affaires juridiques du ministère de la Défense. Les militaires regardent de travers cette juriste qui n'a connu que le Conseil d'Etat et l'Education nationale. «En trois mois, elle est devenue indispensable, incontournable et respectée, dit Floran Vadillo, ancien membre de cabinet de l'ex-garde des Sceaux Jean-Jacques Urvoas, qui a suivi de près la loi sur le renseignement, à laquelle Claire Landais a largement contribué depuis le ministère de la Défense. Elle a un jugement extrêmement pur, dans l'intérêt de l'Etat, pas du tout "corpo".»

 « Confirmée dans ses fonctions à l'arrivée d'Elisabeth Borne, la secrétaire générale du gouvernement, Claire Landais, se veut consensuelle. Elle a gardé une partie de l'équipe de son prédécesseur Marc Guillaume »

 

1 – Compte tenu du rôle de l’institution, quelles sont les qualités requises pour être Secrétaire Général du Gouvernement ? (10 pts)

  

2 – Etre passée par une grande école de commerce, ensuite à l’ENA, puis longuement au Conseil d’Etat, est-ce le cursus « parfait » pour assurer le poste de Secrétaire général du Gouvernement ? (10 pts)


Corrigé


Il faut ici se mettre à la place d’un citoyen profane et lui expliquer ce qui est si intéressant, si remarquable au sujet de l’article, en utilisant tout ce que l’on a appris dans le cours en rapport direct avec le thème.

 

Il ne sert à rien de commencer par définir ce qu’est une institution administrative, on n’a pas le temps ici ce n’est pas une dissertation et la question ne se pose même pas… Il faut se concentrer tout de suite sur le Gouvernement puis sur les autres institutions citées dans l’article.

 

En cours, nous avons vu dans la partie sur les institutions centrales :

-          L’existence des collaborateurs des Ministres (contractuels politisés)

-          Le statut des principaux personnels des ministères et le principe du recrutement par concours

-          Le partage du pouvoir réglementaire et de nomination des hauts fonctionnaires

-          Le Secrétariat Gal du Gvt, organe incarnant la permanence et la continuité de l’Etat au-delà des changements politiques !

-Le Rôle du Conseil d’Etat, avec les meilleurs juristes de l’Etat, surtout la section qui présente le Rapport et les Etudes (la documentation est le cœur de notre plus haute juridiction administrative)

-Le problème de l’ENA, trop parisienne, déconcentrée puis supprimée, mais formant l’élite sur concours pour intégrer des Institutions chargées d’appliquer le droit, contrôler l’application du droit

- Le phénomène de pantouflage et de copinage qui posent problème au plus haut sommet de l’Etat

 

Grâce à tout cela il faut donc :

 A la première question :

Rappeler ce que fait le Gouvernement. Il est dirigé par le 1Er Min, n°1 de Matignon, d’après l’Art 20 de la Constitution de 1958. Mais le 1er Min n’est pas un supérieur hiérarchique des ministres. Le Gouvernement est collégial et il délibère en Conseil des Ministres, afin d’adopter des textes ou des décisions, qui sont généralement d’exécution des lois ou de réglementation autonome. Avant la création du SGG, le 1er Min devait coordonner les administrations des ministères avec quelques secrétaires de Matignon au rôle polyvalent et ne restant souvent pas longtemps en poste (instabilité gouvernementale)

 

Matignon a un rôle politique et technique. Le Gvt avait donc besoin d’un organe technique d’assistance juridique, comme dans une mairie il existe un secrétariat avec un « secrétaire de mairie » et des « secrétaires » (ces termes anciens ont quasi disparu mais ils étaient clairs). Les autorités politiques décident, et les fonctionnaires exécutent sans commenter, si le maire change les fonctionnaires communaux restent.

 

Partir du rôle du SGG depuis 1946 : préparation du conseil des ministres, comme dans une mairie on prépare les conseils municipaux. Définir les ordres du jour, fournir les informations et explications aux membres du Gvt. ATTENTION à une erreur fréquente, un ministre n’est pas élu, il est nommé !

 On sait que les délibérations du Gvt sont secrètes, donc la question de la discrétion de Claire Landais est importante, plus encore que pour tout fonctionnaire. Tout le texte montre ce qui est apprécié pour ce type de fonction : la technicité dans les compétences juridiques, et la discrétion. Ne pas confondre la SGG avec une porte-parole du Gvt. La discrétion est un gage de durée dans le temps et c’est la caractéristique du SGG, rester en poste longtemps pour pouvoir être efficace au service de l’Etat par l’expérience acquise auprès des gouvernements successifs. D’autres qualités pouvaient être citées, mais elles étaient évidentes et non spécifiques à ce poste.

 

Sur le rôle exact du SGG voir la fiche n°28 de l’Assemblée Nationale pour présenter les institutions françaises qui collaborent étroitement avec le Parlement

https://www2.assemblee-nationale.fr/decouvrir-l-assemblee/role-et-pouvoirs-de-l-assemblee-nationale/l-organisation-des-travaux-de-l-assemblee-nationale/le-secretariat-general-du-gouvernement

Sur l’historique : https://www.gouvernement.fr/histoire-du-sgg

 

 A la seconde question :

 Le parcours qui peut conduire au poste de Secrétaire général du Gouvernement est forcément un parcours classique de haut fonctionnaire (pas de contractuels pour les postes permanents).

C’est le principe du concours qui applique la déclaration française des droits de l’homme établissant l’égal accès des citoyens aux emplois publics en considération de leurs vertus et talents.

La nomination au poste de SGG est faite par le Pdt de la République sur la base de l’article 13 de la Constitution… Nous sommes sur un poste de proche collaborateur du pouvoir central, donc il s’agit d’un emploi à la discrétion du Gvt (comme les préfets). Il faut avoir la confiance du Pdt et du 1er Ministre, c’est là que les opinions (politiques, religieuses ou philosophiques peuvent avoir une influence).

Il faut presque forcément être passé par l’ENA école Nationale d’Administration. On y accède par un concours difficile demandant une longue préparation comme le permet Science Po (pendant 5 années après le bac). L’ENA suppose un concours d’entrée, et un concours de sortie. Dans ces deux écoles, le Droit est une composante essentielle. Il n’y a aucune obligation de passer par une fac de droit pour devenir haut fonctionnaire. En effet, les UFR de droit enseignent toutes les branches du droit, dont un volume très important de droit « judiciaire », indispensable pour les futurs avocats ou magistrats, mais presque inutile pour les fonctionnaires administratifs. Le texte parle d’une « juriste » n'ayant pas fait de fac de droit. Oui c’est possible de suivre des formations plus spécialisées en droit public.

Le Conseil d’Etat étant l’une des affectations les plus prisées à la sortie de l’ENA, la carrière de Claire Landais semble parfaitement convenue pour le poste de SGG. C’est le point fort de son parcours. Ici il faut développer pour expliquer en quoi le CE est une institution charnière pour l’Administration et le Gvt.

Rôle consultatif pour tous les projets de textes importants… que le SGG doit faire délibérer

Rôle juridictionnel, pour censurer les mauvaises décisions du Gouvernement que le SGG doit défendre lors des audiences au Conseil d’Etat, comme devant le Conseil Constitutionnel.

 

Un seul bémol peut-être dans l’article. Le passage par une grande école de commerce tendrait à montrer que Claire Landais aurait pu être motivée par le privé, par le business. On dit aussi qu’elle était dans la même promo de l’ENA que le Secrétaire Général de l’Elysée et la ministre déléguée à l'Industrie. Sera-t ‘elle toujours aussi neutre et impartiale qu’on le dit ?  Ici on peut évoquer le phénomène du pantouflage, la grande proximité entre certains très hauts fonctionnaires et les très grandes entreprises. Mais connaître le monde de l’entreprise, quand on est haut fonctionnaire n’est pas un mal en soi, bien au contraire, car nous vivons dans un pays où l’Etat régule et intervient énormément dans l’économie et la vie quotidienne. Seul l’avenir dira si le cursus de C. Landais était parfait.

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