samedi 3 juin 2023

Institutions administratives Licence Droit Le Mans : sujet de mai 2023 et éléments de correction

 Sujet :  Après lecture attentive du texte en italique, répondez aux deux questions de réflexion posées en lien avec le texte.

 

Communes nouvelles : un rapport remis à la ministre dénonce un "bilan décevant"

Publié le 22 septembre 2022 par Thomas Beurey / Projets publics pour Localtis

Dans un rapport qu'elle a remis cet été à la ministre de la Cohésion des territoires, l'inspection générale de l'administration (IGA) critique le "bilan décevant" des quelque 780 communes nouvelles nées depuis 2010. Encore trop peu nombreuses et souvent dotées d'une taille insuffisante, elles n'apporteraient pas une réelle plus-value. L'IGA appelle à changer de braquet, en donnant plus de place aux élus locaux dans l'organisation du bloc communal.

 

Entre 2010 - l'année de leur création par la loi - et aujourd'hui, 787 communes nouvelles ont vu le jour par le regroupement de 2.536 communes historiques. Relativement concentré dans le nord-ouest, le mouvement a conduit à une réduction de près de 5% du nombre des communes françaises, celui-ci étant passé en-dessous de la barre symbolique des 35.000. Mais l'essentiel des communes nouvelles sont nées entre 2015 et 2019, à la faveur des incitations financières de l'État et dans le contexte de la révision de la carte intercommunale. "Le bilan des communes nouvelles est quantitativement modeste", conclut l'Inspection générale de l'administration dans un rapport qu'elle a remis cet été à la ministre de la Cohésion des territoires. Pour la mission, il ne fait aucun doute que le soufflé est retombé et que cela va durer. Pour relancer la dynamique, la mission a choisi de faire des propositions concernant le bloc communal dans son ensemble (communes et intercommunalité). Dans la droite ligne de la loi "3DS" qui a promu le principe de différenciation territoriale, elle préconise de donner la possibilité aux élus locaux, au sein de chaque département, de "définir l'organisation du bloc communal la mieux adaptée". Les commissions départementales de la coopération intercommunale (CDCI) auraient pour vocation de définir des "orientations institutionnelles concernant le bloc communal" : " Ainsi, les seuils permettant de définir ce qu'est une communauté de communes pourraient ne pas être identiques dans tous les départements. En outre, les commissions auraient la possibilité de "fixer (ou pas) un seuil minimal pour les communes au niveau départemental". Les orientations définies par la commission seraient réunies dans un document d'orientation soumis au vote du conseil départemental, qui serait la base du schéma départemental de coopération.

   

1 – Peu enclines à fusionner, peut-on imaginer qu’en définitive les petites communes ne sont pas si « livrées à elles-mêmes » qu’elles le disent ? (10 pts)

  

2 – Au vu des compétences municipales à assumer et des moyens publics disponibles, faut-il aller vers une législation plus autoritaire fixant une taille minimum d’habitants pour une commune ?  (10 pts) 


Question 1

Une fusion est un "mariage" qui diminue le nombre de personnes morales agissant dans l'administration. Ce n'est pas un "regroupement" terme réservé à l'intercommunalité syndicale. La fusion fait disparaître juridiquement les entités fusionnées pour en créer une nouvelle résultant de l'addition opérée.
La fusion de collectivités est un moyen de réduire les dépenses globales en mutualisant les personnels, notamment les plus diplômés, les plus couteux, en rationnalisant l'implantation des équipements publics.  Depuis la fin des 30 glorieuses, avec le début des crises énergétiques et économiques, les états  développés en Europe ont essayé de réduire drastiquement le nombre de collectivités locales (recommandations européennes). Tous ont réussi à le faire, sauf la France. Ce constat factuel est expliqué dans le cours. Il faut le rappeler pour confirmer ce que dit le texte : "peu enclines à fusionner". Les fusions ont été ridiculement peu nombreuses en France avec l'échec de la loi Marcellin de 1971, puis avec les résultats peu concluants de la loi RCT de 2010 proposant la nouvelle forme de fusion appelée "commune nouvelle". Pour apprécier, il faut connaître quelques chiffres de bilan. Ils sont parlants avec 44000 communes à l'époque des calèches, et encore 36500 en 1982. Aujourd'hui 35000 ! Nombre de communes se plaignent de manquer de moyens alors qu'il existe cette possibilité de fusionner ? C'est donc que la situation n'est pas l'asphyxie ?

En effet, l'Etat français fait énormément pour aider les communes. Il y a les dotations de fonctionnement, qui certes ont diminué dans les années 2010 à 2017, mais qui étaient très généreuses autrefois, et elles se sont stabilisées ces dernières années. Surtout, il y a eu l'inscription en 2003 dans la Constitution des principes de péréquation fiscale, mécanisme mis en œuvre par des lois de finances. L'Etat organise la solidarité entre les communes riches et les communes pauvres, en donnant moins aux riches et davantage aux communes pauvres. Il existe même un Fond de péréquation intercommunal et communal dans lequel ce sont des communes riches qui versent de l'argent pour les communes pauvres !

Autre aspect important de la réponse, l'Etat accompagne les communes en les contrôlant et en les empêchant de commettre d'énormes erreurs qui pourraient leur coûter cher. C'est le principe de la déconcentration au niveau local pour accompagner au plus près les élus locaux. Ainsi, les préfets et sous-préfets ont vu leur pouvoir d'initiative et de décision pour distribuer des crédits d'investissement de l'Etat aux communes être renforcés en 1982 en 2004 et en 2010.
Les pouvoirs de tutelle de l'Etat mis en place en 1982 s'exercent pleinement par le contrôle de légalité des délibérations et des décisions communales. Si un maire refuse à tort un permis de construire à un promoteur, ce qui risque ainsi d'aboutir à une énorme condamnation judiciaire pour sa commune, le Préfet tentera d'obtenir l'annulation de la décision du maire. Les services du Trésor Public avec les comptables publics de l'Etat sont aussi au quotidien en conseil et en contrôle des décisions locales, avec dans l'exécution des budgets communaux l'application du principe de séparation des ordonnateurs et des comptables, et bien sûr la surveillance des Chambres régionales des comptes.
Si des communes se disent livrées à elles-mêmes, c'est parce qu'elles sont confrontées à des problèmes que leur taille insuffisante ne leur permet pas de résoudre.


Question 2

Allusion est donc faite aux énormes responsabilités et compétences données aux communes. On peut citer, l'urbanisme, l'entretien des routes, la police municipale, l'entretien des écoles communales, pour les plus traditionnelles. Mais à l'époque moderne, il y a le développement du numérique, la lutte contre le réchauffement climatique, la préservation de la biodiversité, les sports et la culture, le tourisme, le développement économique et le maintien du commerce de proximité, la lutte contre la désertification médicale etc. L'étudiant doit avoir une culture générale de base pour pouvoir multiplier les exemples.
Ainsi listées les missions à accomplir, il est de plus en plus clair que les petites communes ne sont pas en mesure de tout assumer.

A propos des moyens disponibles, on peut parler des moyens intellectuels et matériels prévus pour les élus communaux qui sont décideurs, parmi les éléments du statut de l'élu local. Ils doivent d'autant plus se former au droit, aux finances, aux sciences environnementales, à l'informatique, s'ils n'ont pas les fonctionnaires pour faire ou arbitrer à leur place... Et puisqu'ils ne sont pas formés, il leur faut faire beaucoup de chemin intellectuel avant de réaliser que la taille de leur commune est insuffisante.
Cela plaide en faveur d'une législation plus autoritaire.

Pour répondre à la question, il faut faire le constat qu'actuellement la France ne fixe pas de taille minimum en nombre d'habitants pour une commune. En sarthe, la plus petite commune rassemble 11 habitants dont 7 doivent former un conseil municipal ! En France, 89% des communes font moins de 1000 habitants, et 50% font moins de 500 habitants ! A chaque fois, il faut une mairie aux normes d'accessibilité personnes à mobilité réduite, des secrétaires de mairie, et par ailleurs bien sûr des agents de l'Etat dans tous les ministères pour accompagner et contrôler les actions communales !
Toutefois, si jusque maintenant les petites communes survivent, c'est en raison uniquement de l'apparition et du renforcement de l'intercommunalité, phénomène à décrire ici. Toutes les communes sont obligatoirement membres d'un EPCI, qui exercent les missions les plus techniques à la place de leurs communes membres. Tout ça est bien, mais cela multiplie la lourdeur de l'administration locale, cela multiplie les temps de concertation, de réunion pour les agents communaux et de délibération pour les élus, et cela coute cher. Les gouvernants ont cru que l'habitude prise à travailler ensemble dans les communautés de communes allaient engendrer le pas vers le mariage en forme de commune nouvelle. En effet, il faut mentionner que depuis 2010, la nouvelle formule de fusion permet la création d'une commune nouvelle fusionnée sur la base du périmètre des EPCI avec simplement une majorité qualifiée des conseils municipaux. Ainsi, il n'y a plus besoin de l'unanimité. L'unanimité, c'est ce qui fait que vous ne pouvez jamais prendre une décision innovante parce qu'il y a toujours quelqu'un pour être contre.

Le bilan est fait par l'IGA, on rappelle au passage ce qu'est un organe d'inspection interne. Une IGA est donc un service d'un ministère qui est expert et assez indépendant, composé de fonctionnaires de haut rang, pour dire ce qui fâche, ce qui ne fonctionne pas... l'IGA dit donc à la Ministre que le bilan est mauvais et que la phase de création de communes nouvelles est quasi terminée, d'ailleurs si on a entendu parler du rapport 2023 de la Cour des comptes, on sait que des communes défusionnent déjà ... Le cours exposait que la France représente 40% des communes en Union européenne avec une moyenne d'habitants de 1600 contre 5000 en Europe... Nous sommes mauvais élèves. L'étudiant peut donner quelques explications et défendre la soi-disant peur de perte d'identité, en forme de témoignage de ce que disent les élus de petites communes. Mais de grâce il faut prendre du recul ! Je ne me sens pas moins sarthois si j'habite Le Mans que si j'habite Nauvay, ni moins français, ni moins européen. Quand une commune nouvelle change de nom, les noms des anciennes communes restent sur les panneaux, et dans le cadastre il y a encore les noms des lieudits alors ... Notre pauvre mortalité devrait nous faire relativiser le poids du souvenir des noms de village, mais la dette des états elle, elle se poursuit sur des générations.

La solution proposée en cas de fixation de seuil minimum de nombre d'habitants, en laissant dans chaque département une commission formée d'élus adapter les choses en fonction des zones,  selon les caractéristiques du département, des cantons, paraît être une bonne approche. Un seuil pourrait être par exemple à 5000 habitants dans les départements densément peuplés, à 1000 dans un département sans tendances fortes, et à 500 dans un autre beaucoup plus rural. Cela relève d'un choix politique national et local, mais cela répondrait à beaucoup de nouveaux défis (parité, maîtrise des dépenses publiques etc)





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